samedi 22 octobre 2016

Chapitre 13



Chapitre 13

Dans ce temps-là, Guillaume duc de Normandie, entreprit la conquête de l'Angleterre. Il rassembla tous ses soldats et appela sous ses étendards les seigneurs de tous pays qui voulurent prendre part à la guerre. M. le baron, qui s'ennuyait dans son château, se résolut à partir. Il se rendit à Caen, auprès du duc Guillaume. L'armée s'embarqua dans une quantité de petits vaisseaux et alla aborder en Angleterre. Le prince Harold, chef des Anglais, amassa des troupes à Londres et marcha au-devant de Guillaume pour défendre son royaume. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine d'Hastings et l'on s'attendit à une bataille effroyable.
Madame la baronne était fort inquiète de son mari, dont elle ne recevait pas de nouvelles. Les enfants n'osaient plus jouer entre eux, voyant le chagrin de leur mère, et Mlle Marguerite pleurait en songeant aux dangers que courait son papa. Un jour, Pierrot vint au château et il trouva tout le monde dans la consternation.

" Ne vous affligez pas, madame la baronne, dit-il, et vous, ma chère Marguerite, essuyez vos larmes. Dans une heure, vous aurez des nouvelles de Monsieur le baron. "

Pierrot courut à la ferme et il entra dans la prison de M. le Vent. Il le trouva étendu sur un canapé, tout engourdi et si racorni qu'on distinguait à peine son corps parmi les plis de ses vêtements.

" Levez-vous, monsieur le Vent, dit Pierrot. J'ai une commission importante à vous donner. Ne seriez-vous pas bien aise de prendre un peu d'air et de courir en liberté par-dessus la mer ?

- Oui, sans doute, répondit le Vent, j'en serais bien aise, car je me consume dans cet affreux cachot.

- Eh bien, je vous donnerai la clef des champs pour une heure ; mais il faut me promettre de revenir et de faire une commission importante.

- Quelle commission ? Parle vite et ouvre les portes. Dépêchons-nous. Je suis prêt à partir.

- Un moment, reprit Pierrot. On ne part pas ainsi. Étendez d'abord votre main sur ce crucifix et jurez de revenir dans une heure, par le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, par la sainte Vierge, sa mère, et par le Tout-Puissant, votre créateur et le mien.

- Et quel besoin y a-t-il de jurer par toutes ces choses sacrées ?

- Si vous ne jurez pas, je ne vous ouvrirai point les portes. "

M. le Vent étendit sa main sur le crucifix et prononça le serment.

" A présent, dit Pierrot, allez en Angleterre ; volez d'un trait jusqu'au camp du duc Guillaume. Regardez ce qui se passe, apportez-moi des nouvelles de M. le baron. Il ne vous faut pas plus d'une heure pour tout cela ; mais je vous donne le quart d'heure de grâce pour faire un peu l'école buissonnière. "

Pierrot ouvrit les portes ; M. le Vent aspira une bouffée d'air ; sa poitrine s'enfla aussitôt comme un ballon. Il déploya ses grandes ailes et s'élança par-dessus les arbres et les clochers, avec un sifflement terrible. Il était parti depuis une heure et un quart, lorsque Pierrot le vit revenir.

" Oh ! dit M. le Vent, quelle belle promenade je viens de faire là ! Je me suis bien diverti. Les deux armées se sont battues dans la plaine d'Hastings. Le duc Guillaume a été vainqueur. Harold est tué. Les Normands marchent sur Londres. M. le baron se porte bien ; il s'est conduit vaillamment et le duc lui a promis des biens et des honneurs en récompense de son courage.

- Fort bien, dit Pierrot en fermant les portes. Je vous remercie de votre promptitude. Dormez maintenant jusqu'à demain. "

Pierrot courut au château et donna ces heureuses nouvelles à la baronne et aux enfants. Quoiqu'il ne voulût pas dire comment il s'y était pris pour savoir cela, on le crut volontiers parce que les nouvelles étaient bonnes. Au bout de quinze jours, la baronne fut bien étonnée en recevant une lettre de son mari, dans laquelle se trouvait mot pour mot tout ce qu'avait annoncé Pierrot. Pour le remercier, elle le combla de cadeaux et de friandises et lui donna la permission de venir tous les jours au château pour voir son amie Marguerite.

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